Lorsque l’on m’a parlé de la Transat Jacques Vabre pour la 1ère fois, comme beaucoup de martiniquais, ça me disait très vaguement quelque chose. De fil en aiguille, découvrir cette course a été l’occasion de retourner sur les bancs de l’école pour apprendre l’histoire du café à la Martinique et de participer à un évènement sportif et humain inédit.

Café : un goût d’histoire

La Transat Jacques Vabre, vous l’avez compris c’est de la voile et du café. Plus précisément, c’est une course qui retrace les grandes routes du café. Jusqu’à très récemment, elle arrivait au Brésil. Et pour la première fois, elle est arrivée en Martinique. J’aurai donc pu dire que nous avons repris nos livres d’histoire pour mieux comprendre le lien entre café et Martinique. En fait non. L’histoire du café en Martinique, c’est finalement un sujet méconnu, peu traité et quasiment pas enseigné. Pour celles et ceux qui ont un peu suivi l’actualité, le hashtag #surlarouteducafé a créé quelques polémiques. Comme beaucoup d’autres cultures locales, le café est lui aussi empreint de souvenirs douloureux liés à l’esclavage. Et, notre devoir de mémoire, fait de nous les gardiens de notre histoire.

Si l’on s’éloigne maintenant des souvenirs qui font mal, cette course, éprouvante d’après les skippers que j’ai rencontrés, a permis de porter à ma connaissance quelques faits que j’ignorais. J’ai par exemple découvert que c’est au 18ème siècle, grâce au plan de café réintroduit au Prêcheur que de nombreuses autres souches de café ont pu voir le jour dans la Caraïbe et en Amérique Latine. J’ai aussi pu suivre de plus près les travaux du CIRAD (Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement) et du PNRM (Parc Naturel Régional de la Martinique) qui visent à relancer cette filière prometteuse en Martinique. D’ailleurs, après deux siècles d’absence, les efforts d’une dizaine de producteurs locaux ont pu donner naissance à un café 100% martiniquais en édition limitée. Si limitée d’ailleurs, que je n’ai pas eu la chance d’y goûter. Affaire à suivre.

L’édition de l’émotion

Je ne suis pas vraiment capable de dire si c’est l’effet “première fois”, ou si c’est parce qu’il a fallu préserver l’écosystème de la course dans un contexte social hautement tendu, mais que d’émotion ! J’ai eu la chance de voir les 79 équipages prendre le départ de la course au Havre le 7 novembre. Et assister à leur arrivée de jour et de nuit dans la plus belle baie du monde (ce n’est pas du chauvinisme, c’est absolument vrai), après trois semaines d’attente, c’est fabuleux.

Je n’avais jamais vu d’Ultime ni d’Ocean Fifty jusqu’à présent. Ni d’Imoca, ni de Class40 non plus en y réfléchissant bien (maintenant, je cite ces catégories de bâteaux sans bégayer). Et l’intérêt de cette course, enfin, l’un des intérêts parmi tant d’autres, c’est de côtoyer au plus près des bâteaux d’exception, grandioses et fragiles à la fois.

Bien que la ligne d’arrivée soit fermée, je pense toujours à la centaine de skippers qui ont débarqué sur le ponton d’honneur, usés par les vagues et le sourire aux lèvres. Quand je pense que je fatigue après dix minutes sur un paddle. Ils ont mérité leur magnum de champagne à l’arrivée !

La Yole et l’handi-voile aussi !

A l’image des nombreux scolaires qui sont venus au village d’arrivée de la Transat Jacques à Fort-de-France, j’ai pris plaisir à découvrir les particularités et les spécificités des quatre classes de voiliers inscrites à la course, et à écouter les skippers en parler.

La rencontre entre Damien Seguin skipper en situation de handicap et les régatiers handi-voile du Club Le Neptune, eux aussi en situation de handicap, résume très humainement comment les valeurs sportives peuvent nous lier. J’ai pris tout autant de plaisir à plonger dans le monde de la Transat Jacques qu’à voir les skippers découvrir notre embarcation légendaire : la Yole ronde. Embarcation, rappelons-le, désormais inscrite au patrimoine mondial immatériel de l’Unesco.

L’effort, la persévérance, le dépassement de soi, la bienveillance et le partage, c’est ce que je retiens de cette route du café, de cette transatlantique en duo et de sa toute première arrivée sur notre belle île. Rendez-vous dans deux ans.