Autrefois en Martinique, on se retrouvait en famille, voisins et amis pour tuer le cochon. Celui-ci servait à préparer le boudin, le ragoût de porc, les mets dégustés lors du repas de réveillon de Noël.
Aujourd’hui, c’est à l’abattoir que sont tués la plupart des cochons de l’île, mais la tradition reste ancrée, et de nombreux martiniquais s’attachent à la faire vivre. Car, plus qu’une simple fête culturelle, c’est une des courroies de transmission entre les générations. Comme nous l’explique ici Mario dont nous partageons les souvenirs d’enfance.
Un rite de passage de l’adolescence à l’âge adulte
J’ai ce souvenir d’enfance qui m’a très profondément marqué. Je devais avoir treize ans, je me suis retrouvé au cœur de ce que, je l’ai compris plus tard, était une sorte de rite de passage vers l’âge adulte.
J’ai grandi à Fort de France, mais mon père habitait à la campagne, dans la commune de Saint Esprit, quartier Petit Fond. C’était les vacances de Noël. Nous avions des cochons que l’on nourrissait toute l’année, et un peu avant Noël, on en tuait un. C’était un événement qui réunissait toute la famille, les voisins, les amis. Ca commençait très tôt le matin, le soleil n’était pas encore levé.
Il faut savoir que le cochon était privé de nourriture depuis deux jours, il était donc nerveux. D’autant que les cochons ont un vrai sixième sens, il sentait que quelque chose n’allait pas, il était agressif. On était six ou sept personnes pour essayer de l’attraper, ce qui n’était vraiment pas facile. Une fois attrapé, le cochon était suspendu, maintenu et égorgé. Et moi je devais récupérer le sang dans un grand bol avec du sel dedans et un fouet énorme. Il fallait remuer en permanence car le sang ne devait pas coaguler.
C’est le moment le plus terrible car le cochon met du temps à mourir et ça fait en plusieurs étapes successives pendant lesquelles il pousse de grands cris très impressionnants. Il fallait le tenir fermement. C’était le rôle que l’on avait donné aux enfants. Je devais en quelque sorte faire mes preuves, montrer que j’étais un homme en traversant cette épreuve sous le regard attentif et rieur des anciens. On attend qu’il meurt et pousse son dernier souffle dans un grand rale de douleur. Notre réaction d’enfants à ce moment là, ça faisait rire tout le monde. C’était comme un bizutage.
Le cochon de Noël à l’ancienne
Mais le travail n’était pas fini pour autant. Avec le sang, on rajoute des épices, du sel, du poivre pour faire le boudin. Pendant ce temps, on brûle les poils. Il faut ensuite ouvrir la bête, sortir les boyaux, les nettoyer et les retourner. Alors les boyaux sont longs de plusieurs mètres, il faut sortir tout ce qu’il y a dedans des restes de repas plus ou moins digérés. Ensuite il faut bien laver les boyaux qui vont servir de peau pour le boudin.
Après l’effort, le réconfort. On se partage les morceaux de la bête avec les participants, chacun prend une partie. Et le soir même on mange des morceaux de joue, de grouin, qu’on prépare à la poêle avec du piment.
C’est aussi un moment où l’on fait la fête, toutes les générations se retrouvent, le tout bien arrosé de rhum.
Noël dans la cuisine créole, le cochon est roi
Un bon Noël s’accompagne d’une table bien garnie, et pour cela en Martinique ce n’est pas ce qu’il manque. Toute la période de Noël, on retrouve chez soi, dans les chanté nwel, au restaurant, une panoplie de plats. Et le cochon en est le Roi ! Il est présent sous toutes ses formes.
Le boudin créole, présent sur nos tables toute l’année, est un incontournable à Noël. Cuisiné à partir de sang, de gras de cochon et de pain imbibé d’épices, il est ensaché dans les boyaux en petits boudins. Il existe autant de recettes de boudins que de familles antillaises, chacun assaisonnement selon ses goûts. Vous pouvez trouver une grande diversité d’autres boudins : végétarien, lambi, morue, poisson, etc.
Les pâtés salés sont aussi typiques de Noël, même si on en trouve toute l’année. A Noël, on en trouve partout et de toutes les sortes : de l’industriel en magasin aux pâtés artisanaux en boulangerie et auprès d’amis voire d’amis d’amis, pâte brisée ou pâte feuilletée, au porc, au poulet, à la morue, au lambi, etc.
Pas de période de Noël sans jambon de Noël, un jambon caramélisé, sublime mélange sucré salé. Le jambon de Noël se déguste froid, découpé en fines tranches, servi en apéritif à côté du boudin et pâtés salés. Avant, la préparation du jambon de Noël prenait 3 à 4 jours. On utilisait du jambon séché importé, qu’il fallait faire dessaler pendant plusieurs jours, puis cuire dans un bouillon plein d’aromates. Ce n’est qu’après qu’il était enduit de sucre et cuit au four pour caraméliser. Aujourd’hui, le jambon moderne nécessite moins de préparation : on le trouve vendu frais ou congelé, déjà cuit ou cru, avec ou sans os, avec ou sans piment…
Pour le réveillon du 24 et à Noël, pas d’huîtres ou de dinde, place au ragoût cochon ! bien épicé, servi notamment avec des pois d’Angole, une légumineuse qui se cuisine un peu comme les lentilles et que l’on retrouve dans les assiettes uniquement en période de fin d’année. Evidemment, aujourd’hui les plats locaux sont aussi accompagnés des mets de Noël comme le foie gras. Mais même là, nous arrivons à le mettre à notre sauce : et hop un foie au rhum vieux !
Dans les jardins créoles, les enfants et les grands parents se réunissent pour récolter les pois d’Angole. C’est un joyeux moment de gaieté entre cousins et cousines. Une partie des poids sont mis dans des bouteilles en plastique, ou en verre selon le son que l’on voulait produire, pour faire des “chachas” qui nous servaient à jouer de la musique pendant les chanté nwèl.
Texte : Rédaction Airlocal Magazine, Aurélie FC
Photos : Mario Gilbert
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