Nous avons rencontré Johan, surnommé Wako, grand pratiquant du chanté nwël. Wako a fait partie de plusieurs formations spontanées ou éphémères pour la période de Noël et ce depuis ses études. A son retour en Martinique en 2005, il rejoint d’abord Yanm Sasa pendant 5 ans. En parallèle avec un groupe d’amis, ils forment un groupe sans nom pour jouer et chanter entre eux. Groupe qui deviendra par la suite SoS Kantik !
Nous lui avons demandé s’il pouvait nous expliquer le renouveau du chanté nwël. Très belle question répond-il sans hésiter ! Il nous parle également la frustration liée à ces années de crise sanitaire, qui prive grandement les martiniquais d’une des fêtes sinon leur fête préférée.
L’évolution du cantique de Noël en Martinique ?
L’histoire parle d’elle-même. Pour moi, le renouveau est venu après la touche Loulou Boislaville, dans les années 95-96, avec les groupes comme Mazincoin ou Ravine Plate qui ont redynamisé le kantik avec leurs premiers albums. Ils tournaient déjà, mais ils ont marqué leur époque avec leurs ritournelles, que nous chantons toujours d’ailleurs, et la sortie d’albums. Ces groupes remettent le kantik à une place non pas de spectacle… mais de musique populaire. En tout cas, une musique appréciée par tous. Les groupes enchaînent les succès et font des tournées avec les premiers podiums. J’en parle même si je n’étais pas là à cette époque, études en hexagone obligent, mais j’achetais évidemment les albums, et l’idée quand on rentrait en vacances en décembre était d’essayer d’aller voir leurs prestations.
Les choses ont continué pour moi de façon traditionnelle jusqu’en 2010, alors même que nous avions monté SoS Kantik un an plus tôt et déjà réalisé une adaptation de “Satan Crève” sur un morceau de zouk, juste entre nous. De mon point de vue, le tournant dans la modernité est en 2010 avec notre adaptation sur “Alors on danse” de Stromaé. Pour l’anecdote, cette idée que j’ai déjà alors que je fais partie du groupe Yanm Sasa et que je leur propose, est rejetée ! Peut-être parce que trop moderne justement, ou un peu dérangeante… Onze ans plus tard on pourra trouver cela bizarre pourtant quand Sos Kantik a accepté l’adaptation et que nous avons commencé à la jouer, cela a eu le succès que nous lui connaissons, mais ça a également été décrié : « Ce n’est plus de la tradition ! », « Qu’est-ce que c’est que ce groupe qui se permet de changer les cantiques !». Or pour reprendre la syntaxe, nous n’avons absolument rien changé aux cantiques, il n’y a pas un mot qui change, simplement la musique. Les adaptations musicales ont toujours existé [NDLR ajoutons qu’à la fin des années 2000 le groupe An Rita adaptait déjà le cantique sur “Mamy Blue” de Nicoletta].
Sos Kantik ce n’est pas du bordel, c’est une sorte de vision musicale. Après on joue peut-être un peu vite sur des bpm [battement par minute], mais nous ne sommes pas les seuls à avoir accéléré la cadence. En fait depuis Mazincoin ou Ravine Plate, le battement des morceaux, la vitesse, avait déjà accéléré. On avait quitté l’époque Loulou Boislaville.
Ce renouveau s’est fait au fil des années, et des adaptations, avec le succès, et une demande plus forte de la part du public. Nous en avons réalisé plusieurs adaptations selon l’actualité musicale de l’année écoulée, par exemple la Fouine en 2011 ou plus récemment “Jaloux” de Dadju en 2019, et Jerusalema en 2020. Et le concept plaisait aux jeunes (nous étions encore des jeunes à l’époque…). Sans aucune prétention, je pense quand même que nous avons réussi à ramener toute une tranche de la population, alors amoureuse de sa tradition quand même, vers cette modernité. Et on a fait aussi des émules, car nous ne sommes plus le seul groupe à faire ces adaptations autour des tubes de l’année. L’idée de l’adaptation du cantique est quasiment rentrée dans la normalité aujourd’hui. Chaque année, on sait très bien que SoS Kantik va sortir ses adaptations, et des paris sont lancés sur le son qui sera adapté. Donc oui SoS Kantik a quelque part contribué à une deuxième modernité du cantique, sans pour autant occulter le cantique traditionnel. Tout le monde y trouve son compte. Et il serait bien faux d’associer traditionnel aux « vieux » et moderne aux jeunes ! Pour finir, j’ose croire que l’histoire du chanté nwël ne s’arrête pas là… La place à une troisième génération est ouverte.
Le cantique et la Covid
Cela fait maintenant 2 Noël aux conditions sanitaires particulières, deux saisons pendant lesquelles nous n’avons pas pu profiter pleinement du cantique. Et ça pour des musiciens, attention nous ne sommes que des amateurs mais de grands amateurs de la période de Noël, c’est très pesant.
Pas de prestations, pas d’occasion de jouer et chanter. Et la frustration du public n’en est pas moindre. L’an dernier nous avions trouvé une solution de streaming vidéo pour partager avec lui. C’est la plateforme Spektak, plateforme digitale dédiée aux spectacles vivants basée en Guadeloupe qui nous a soumis le projet. Nous avons enregistré 2 concerts de 50 minutes chacun au Grand Carbet du Parc Aimé Césaire. L’idée était de mettre ces concerts à disposition pendant la période de Noël, tout au moins le mois de décembre. Cette opération avant-gardiste je dirai à plus ou moins fonctionné, la preuve en est on y trouve d’autres chantés nwël aux cotés des concerts de nos artistes locaux.
Et cette année, voyant la tendance de la fin d’année guère propice aux chantés nwël, nous avons décidé de mettre à disposition du public, l’audio de ces enregistrements live sur la plateforme SoundClound. 19 morceaux ! de quoi animer quelques cantiques familiaux, quelques embouteillages. C’est notre cadeau 2021 pour vous, en réponse au Covid. Ce n’est pas un vaccin mais la simple continuité de l’esprit de partage de Noël.
Une anecdote ?
Voilà plus d’une dizaine d’années, que je partage la période de Noël avec mes amis du SoS Kantik, des années de moments de partage durant les deux derniers mois de l’année avec minimum une prestation par semaine. Et pourtant, pas une seule fois nous n’avions « fait Noël » ensemble. Nous avions tant joué pour les autres, mais jamais pris le temps de se retrouver entre nous, pour nous, à Noël… Même si Noël c’est la famille, SoS Kantik en est une autre. Réparation a été faite l’an dernier, merci la crise sanitaire. Nous avons passé le 25 décembre ensemble, et le rendez-vous est déjà pris cette année !
Noël en 5 mots ?
Partage, Famille, Musique (cantiques), Joie et Cadeaux parce que Noël ça reste la fête des enfants.
Un souvenir de Noël…
Sans philosophie je dirais que mon meilleur souvenir c’est d’en avoir de meilleurs chaque année ! Chaque année qui passe enrichit nos souvenirs. Plus de 10 ans SoS Kantik, 10 ans de prestations qui se sont toujours bien passées même avec plus de 2000 à 3000 personnes parfois, ça c’est l’esprit de Noël. Savoir que chaque année l’esprit de Noël arrive à briller.
Et au sein de Sos Kantik, c’est lors de la première prestation de la saison, retrouver les automatismes et la ferveur comme si nous ne nous étions pas quittés depuis le 23 décembre de l’année d’avant.
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Sos Kantik / @sos_kantik
Propos recueillis par Aurélie FC
Photos : aimable courtoisie de SoS Kantik
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