Ça y est c’est parti, et c’est aujourd’hui ! Oui, ce ne sera pas vraiment le carnaval tel que nous le connaissons, mais jusqu’il y a 2 jours, nous ne devions pas en avoir du tout… Mais pourquoi est-ce si important ? Tout simplement parce que le carnaval fait partie intégrante de notre culture, et nous n’y renoncerons pas !

Cet article j’aurais dû l’écrire il y a déjà plus d’un mois. Vous parler du Carnaval martiniquais en long, en large, en travers. Le faire découvrir, et redécouvrir. Meubler l’attente des Jours Gras en titillant les souvenirs des uns et des autres. Mais comment parler d’une chose qu’on aime avec entrain, quand jusqu’à la veille il est dit que vous en serez privé…

Oui le Carnaval 2022 aura bien lieu, mais il ne s’agit que des Jours Gras, nous avons déjà raté toute la partie en amont, et ça ça ne sera rattrapera pas. Je parle des évènements tels que : l’élection des Reines et des Mini-Reines (certaines villes l’ont maintenue, mais en ligne …), élections des miss lycées, les vidés, les parades comme la Foyal Parade, ou la Bèt à Fé. Mais aussi les préparatifs d’avant les Jours Gras : les rencontres entre copines pour confectionner la tenue de groupes, mais aussi celles des enfants selon les consignes données par l’école. Les répétitions des groupes à pied, et l’attente du fait divers qui suscitera l’imagination acerbe des paroliers… Oui pour la deuxième année consécutive nous sommes passés à côté de ces moments qui font notre culture.

Peu importe, les Jours Gras sont là, et nous en profiterons comme il se doit !

L’édition 2022 à Fort-de-France

Les Jours Gras du Carnaval ont traditionnellement lieu à Fort-de-France, les dimanche, mardi et mercredi. Le lundi est réservé au Carnaval du Sud.

Après multiples échanges entre la mairie, ses partenaires et les groupes à pied, c’est bien l’itinéraire du centre-ville qui a été retenue, avec quelques modifications :

• Les défilés auront lieu jusqu’à 19h

• Le centre-ville sera fermé dès 13h, avec restriction des véhicules à moteur, sauf les adhérents des associations de bwadjaks

• 11 points d’entrée avec contrôle habituel du public, plus contrôle de température

• Pas de chars sonorisés

• Autotests conseillés pour les carnavaliers

Il ne reste plus qu’à savoir si nous aurons la chance d’apercevoir Vaval cette année…

Les Jours Gras, chaque jour son thème

Samedi et dimanche journée libre, le samedi on découvre les Reines et Mini-Reines élus. Le dimanche est jour de grande sortie du maître de cérémonie : Vaval !

Lundi, jour du mariage burlesque où les hommes sont déguisés en femmes et les femmes sont déguisées en hommes.

Mardi Gras, jour de sortie des diables rouges, journée de déferlante du rouge dans la ville. Le Mardi Gras commence également très tôt avec les vidés en pyjama, défilés qui débutent à 4h30 et convient les habitants à les rejoindre en chemise de nuit ou pyjama.

Mercredi des Cendres aux couleurs du deuil, noir et blanc, journée de célébrations des obsèques de Vaval. A la fin de la journée, l’effigie de Vaval est brulée sur le bord de mer sous les cris et les lamentations du public…

Les origines de notre carnaval

Elles sont diverses et principalement liées à la religion chrétienne. Ainsi notre carnaval prend évidemment naissance à l’époque coloniale. Importé d’Europe, le « Mardi Gras » a été introduit par l’église catholique, la veille du mercredi des Cendres et début du Carême. Le Carême est un temps de réflexion et de jeûn avant Pâques. Mardi gras est donc une journée de fêtes, bals publics, déguisements et dernier jour où on peut manger « gras ». D’ailleurs, le saviez-vous ? le mot carnaval a pour origine un mot latin « carnelevare » formé de carne « viande » et levare « enlever ». Il signifie donc littéralement « enlever la viande ». Ainsi dès le début, le Carnaval a toujours été synonyme de fêtes et déguisements. Les esclaves de l’époque reproduisent le carnaval des maitres en y apportant leurs traditions et instruments.

Le Carnaval martiniquais traverse les époques et se façonne : ainsi les personnages emblématiques naissent tels que Mariann La Po Fig et les Nèg GwoSiwo…les instruments importés sont remplacés par des instruments à percussions locaux : tambours, ti bwa, et conques de lambis, les chansons ironiques sont introduites. Au 19ème siècle des défilés et parades populaires sont organisés dans la ville de Saint-Pierre alors capitale de la Martinique jusqu’à l’éruption de la Montagne Pelée en 1902. Par la suite, le carnaval reprendra à Fort-de-France qu’il ne quittera plus !

Quelques personnages du Carnaval

Comment parler Carnaval sans parler de Vaval, le roi du Carnaval au destin funeste… Sa majesté Vaval est une marionnette géante en tête du défilé. Chaque année, il représente tantôt un personnage d’actualité, un fait de société, un fait politique ou un sujet d’actualités. Il est préparé dans le plus grand secret par les services et associations artistiques de la ville de Fort-de-France, et apparaît le dimanche Gras aux côtés de sa cour composée des Reines mini-Reines (fillettes de 5 à 12 ans) et reine-mères (femmes de plus de 60 ans). Pendant tous les jours gras, il est mis à l’honneur jusqu’au mercredi des Cendres où il est incinéré sur le Malecon, le bord de mer de Fort-de-France, sous les yeux et pleurs de ses veuves.

En effet, la Guiablesse est la veuve éplorée du Roi Vaval. Elle n’apparaît que le mercredi des Cendres vêtue de Noir et Blanc, venue pleurer toute la journée Vaval qui sera incinéré.

2ème personnage emblématique, le Diable Rouge, venu directement d’Afrique et célébré le Mardi Gras. Tout de rouge vêtu, le costume arbore des miroirs et une tête de bœuf, masque orné de miroirs et plusieurs cornes et ne laissant apparaitre que les yeux. “abi abi abi kay manman mi djab-la déwo !”

Les Nèg Gwo Siwo symbolisent les esclaves. De plus en plus populaire, vous ne pourrez pas les rater. Enduits de sirop de canne mélangé avec du charbon, ils font fuir la foule à laquelle ils essaient de se frotter.

Les hommes et femmes d’argiles qui s’enduisent le corps de terre glaise et stoppent leur marche silencieuse pour ressembler à des statues.

Maryan Lapo fig, son costume est fait de feuilles de banane séchées qu’elle fait tournoyer. L’histoire raconte qu’elle serait née pour remplacer l’ours Marianne échappé d’un cirque à Saint-Pierre au 19e siècle. A noter que « fig » est le nom d’une banane.

Que serait le Carnaval sans ses groupes à pied ? Véritables cœurs du vidé martiniquais, ce sont des « orchestres de rue » munis d’instruments le plus souvent à percussion : ti-bwa (morceau de bambou sur lequel s’enchaînent les tac tic tac tac), chacha (calebasse séchée rempli de graines), tom, basse, fût (instruments de percussion ou récupération à peau, sur lequels cognent les mailloches rembourrées de tissus). Les groupes défilent, suivis par la foule qui chantent les chansons de carnaval. N’hésitez pas à les rejoindre

Enfin, ne pas oublier les bwajacks, ces vieilles voitures relookés, colorées qui transportent devant, derrière, sur le toit quand il en reste un, une bonne dizaine de personnes. Elles sont presque toutes trafiquées pour pétarader. Et les chars à thème : décors montés sur des camions, ils transportent des groupes à thème comme les danseuses brésiliennes par exemple ; la plupart sonorisés, suivis des vidés où les jeunes s’en donnent à cœur joie.

Le Carnaval martiniquais un Carnaval populaire

Chaque île son Carnaval, mais quitte à être chauvine autant l’être jusqu’au bout : le nôtre est unique ! Contrairement à d’autres îles où le Carnaval est plutôt un défilé de groupes auxquels assistent juges et public, le Carnaval martiniquais est un carnaval populaire. Tous y participent,

il est l’expression du peuple. Il est un moyen de se défouler, et tourner en dérision l’hypocrise du quotidien qu’il dénonce.

Tous sont déguisés, des groupes à pied au public, si vous apercevez quelqu’un habillé normalement, c’est un touriste. Dans déguisés, j’entends costumes tout comme les rad kaban ou « habits de carnaval » sortis de sous le lit, et tous les accessoires : collants, jambières, plumes et boas. Tout est autorisé et sans retenue. Sur les dernières années, de plus en plus de petits groupes d’amis ou familiaux s’organisent en amont pour confectionner des thèmes : les filles fleurs, cartes à jouer, pirates, fruits de mer ou les personnages de télévision. Pour le plus grand plaisir des photographes professionnels et amateurs.

Enfin le Carnaval martiniquais ne serait rien sans ses chansons de carnaval, ultime moyen de dérision. Elles sont le reflet des faits d’actualité et chaque année les carnavaliers rivalisent de créativité en imaginant des refrains inspirés de faits divers ou faits de société qui se retrouvent sous les feux de projecteurs. Cette tradition ne date pas d’hier, elle faisait déjà les heureux à l’époque au carnaval Saint-Pierre où les chansons mêlées de sarcasmes au sujet de ceux qui gouvernaient était déjà chantées.

A noter également que les festivités se poursuivent hors des rues dans les différentes soirées de Carnaval. Il y en a plus d’une dizaine par soir pour les seuls Jours Gras.